Théo Rey : grandir avec la JeuInterview
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Il est, aux côtés de Hugo Benitez, l’une des recrues internes du club. Théo Rey (20 ans, 1m94) a signé son premier contrat professionnel avec la JL Bourg il y a quelques semaines. Parti à l’âge de 15 ans de sa région natale, le désormais nouvel arrière de la Jeu a franchi chaque étape les unes après les autres depuis son arrivée en 2015. Il nous raconte son parcours semé de quelques embûches en Bresse avec notamment une blessure grave qui l’a écartée des parquets pendant 9 mois, sa relation difficile avec l’Équipe de France et son envie pour la saison à venir. Rencontre avec un travailleur acharné qui se souvient parfaitement du jour où il est venu pour la première fois à Bourg, du jour où il a revêtu pour la première fois le maillot professionnel puis du jour où il a marqué ses premiers points à ce niveau et même de ses stats en Equipe de France.
Théo, comment vas-tu ?
Tout va bien, le basket ayant repris maintenant. Physiquement et mentalement, tout est parfait.
Tu commences ta sixième saison au club et tu as gravi tous les échelons de l’équipe U18 à l’équipe professionnelle en passant par l’équipe Espoir. Raconte-nous ton arrivée à la JL Bourg après ta saison au Pôle Espoir de Mont-de-Marsan avec l’équipe Minimes des JSA Bordeaux.
J’étais au Pôle Espoir et on a fait tous les tournois jeunes. J’avais été bon, mais sans plus. Boulazac et Nancy étaient intéressés par mon profil. D’ailleurs je n’étais pas loin d’aller au SLUC, mais Fred Sarre m’a appelé, car notre équipe avait joué face à celle de Limoges qui était coaché à l’époque par son fils qui lui avait parlé de moi. Ce fut vraiment du bouche-à-oreille. Si je me souviens bien, après qu’il ait contacté mon père, nous sommes venus faire un test le 4 avril (2015) et avec l’École des Meneurs-Arrières, ça m’a encore plus donné envie de venir ici. Dans le même temps, Nancy me faisait moins les yeux doux et je suis donc parti loin de ma famille à Bourg.

"La différence à Bourg en équipes jeunes : l'expérience et la vision des coachs"
À cette époque, te souviens-tu des objectifs que tu t’étais fixé ?
J’ai toujours voulu être joueur pro. Je ne suis pas allé au Pôle Espoir pour rien. Quand je suis parti de là-bas, j’ai quitté ma famille pour venir me donner à fond à Bourg. Dans ma tête, l’objectif a toujours été le même.
Durant tes deux premières années, tu as été coaché par Pierre Murtin. Qu’est-ce qu’il t’a apporté en tant que joueur de basket ?
Directement, dès qu’on me dit ça, je pense aux anticipations, au jeu sans ballon. En somme, toujours anticipé la passe d’après. Aujourd’hui, des fois quand je le fais, je pense à lui.
Pour moi, ce qui fait la différence entre Bourg et les autres clubs dans les catégories jeunes, c’est l’expérience et la vision des coachs. C’est pour cela qu’on gagne tout le monde alors qu’on est l’équipe des « blancs ne savent pas dunker ».
En dernière année de ton cursus Cadet de 3 ans, tu joues tes premières minutes en Espoir et monte en puissance au fil de la saison. De quoi être sélectionné en Équipe de France U18 pour le tournoi de Mannheim. Face aux USA, tu réalises une bonne performance avec 11 points, 5 rebonds et 2 passes en 25 minutes. Quels ont été tes sentiments ce jour-là ?
En vrai on m’a oublié quelques passes, car je devais être à six ou sept *rires*. C’était énorme. Quand j’ai fait mon année, j’espérais être appelé, mais je l’ai mal pris parce que j’ai eu trop de stress. C’est pour ça que j’ai toujours été mauvais en Équipe de France. Je n’ai jamais réussi à être comme j’étais à Bourg. Trop de stress et trop de pression sur moi alors qu’au final, je n’aurais pas dû en avoir. Aujourd’hui je regrette, car je suis passé à côté de trop de choses.
Sais-tu d’où t’est venue cette pression ? De la concurrence ?
Honnêtement, je ne sais pas. Les gars avec moi je les connais bien aujourd’hui donc ce n’est pas vraiment ça. Les entraînements avec le coach, je n’y arrivais juste pas à cause du stress.
Quelques mois plus tard, tu aurais pu aller au championnat U18 et cette fois tu n’as pas été sélectionné. Est-ce que pour toi, cela a été ta première grosse frustration ?
Oui c’était horrible. Comme je disais, pendant le stage je me demandais pourquoi je stressais comme ça. Je ne mettais pas mes tirs alors que j’étais choisi en tant que shooteur. Je ne faisais rien de spécialement bon et je savais très bien que je n’allais pas être gardé parce que je ne faisais pas ce que je réalisais à Bourg.
"La première fois à Bourg, c'était énorme"
Après avoir passé une année à jouer sur les deux tableaux le samedi et le dimanche, tu débutes réellement ton cursus Espoir. Rapidement tu es appelé par Savo Vučević avec les pros. Tu obtiens tes premières minutes le 13 octobre 2018 dans une victoire face à Châlons-Reims (102-83) puis quelques semaines plus tard, tu inscris tes premiers points à Boulazac. Te souviens-tu de tes sensations sur ces premières sorties ?

À Boulazac, c’était même la première fois devant mes parents, je mets mes premiers points et j’étais content. Mais je me souviens que quand j’ai marqué, j’avais le corps glacé, froid dans le dos, le bras qui flanchait, mais il est rentré et j’étais content. La première rentrée à Bourg c’était énorme aussi. Surtout, à Boulazac, le coach m’avait félicité devant tout le groupe en disant que j’avais fait une bonne entrée donc c’était positif.
Au fil des rencontres que tu joues, je suppose que la pression diminue.
Le stress commençait effectivement à partir. Au début je tremblais, mais après à force de rentrer, on a moins de pression, on défend mieux et par conséquent tu joues plus juste.
Au total, ce sont quatorze rencontres disputées avec notamment en bonus la demi-finale et la finale de la Leaders Cup et ce tir à trois points qui rentre au buzzer final. Est-ce que tu ressens que tu touches de plus en plus à ton rêve de devenir pro ?
Je ne sais plus trop, mais je n’avais pas la tête qui flambait. J’étais plus concentré sur l’objectif du Trophée du Futur en Espoir. En même temps, ça commençait à dire que j’allais signer mon premier contrat pro, mais je n’y pensais pas trop. Je voulais juste bien finir, travailler fort l’été et montrer que s’il y avait un contrat, je le méritais.
"Tu t'es démonté le genou"
Mais, la plus terrible des blessures (ligament croisé antérieur du genou gauche) vient te stopper dans ton élan lors du dernier match de la saison régulière Espoir au Portel. Sachant que l’équipe avait validé sa deuxième place au classement avant de se diriger pour le trophée du Futur à Dijon, que tu aurais pu prétendre donc à ta place dans le groupe professionnel la saison suivante ou dans un club de Pro B, un seul mot semble nous venir à l’esprit : « cruel ». Raconte-nous ce moment difficile.
Le Trophée, moi je le sentais bien en plus… Après sur le moment de la blessure, quand je tombe par terre, je ne sais pas trop ce qui m’arrive. J’ai un peu mal au genou, mais j’essaie de pas trop y penser. On m’emmène au vestiaire et ça commence à me tirer. Je demande à Louis (Chavanton, assistant de Jean-Luc Tissot) ce qu’il y a, car j’avais l’Équipe de France et je devais signer deux jours après, le lundi, mon contrat. Je lui demande « rassure-moi », il ne me répondait pas trop et avec ses expressions du visage, il me faisait peur. J’ai commencé à pleurer et j’avais de plus en plus mal. Tu te dis qu’il y a quelque chose qui ne va pas.
Au moment du verdict, cela doit être encore plus compliqué.
Horrible ! J’ai passé l’IRM à Lyon et le docteur me dit directement « tu t’es démonté le genou, c’est les croisés », sans trop de tact. J’ai appelé mes parents et je suis rentré seul avec mes béquilles, vraiment horrible.
On peut parler d’une petite satisfaction puisque tu es élu dans le cinq majeur Espoir de la saison avec Mbaye Ndiaye.
Pas vraiment. Le président Julien Desbottes est venu dans le vestiaire à la fin du match pour dire qu’on avait fait une super saison et que le club ne me lâcherait pas. Il nous dit aussi qu’on est élu dans le cinq mais sur le moment, je m’en fiche. Je pensais qu’à ma blessure, même pour la remise du trophée.
Jean-Luc Tissot, ton coach pendant ces deux saisons, quitte le club avec le titre de meilleur coach du championnat. En tant que basketteur, quelle a été sa contribution dans ton jeu ?
Avec Jean-Luc c’est la rigueur. Il faut être toujours à fond et moi j’ai beaucoup aimé qu’il soit mon entraîneur. Il m’a beaucoup apporté et donné confiance parce que j’avais le « ticket shoot ». Quand je ne défendais pas, il était là pour nous « démonter », j’ai beaucoup pleuré. Mais ça, il y a beaucoup de coachs qui pourraient ne rien dire parce que tu as mis tes points. Il était toujours derrière nous, ça m’a fait énormément progresser, j’ai adoré. Certes sur le moment c’était dur, mais quand j’y repense aujourd’hui, un super coach.
Tu es donc entré dans une longue phase de rééducation entre Cap-Breton et Bourg-en-Bresse. Peux-tu nous raconter ces neuf mois de réapprentissage, car après ton opération, tu n’arrivais même plus à marcher correctement ?
J’ai fait l’opération quelques semaines après la blessure avec trois semaines qui suivaient où je n’avais pas le droit de bouger à Lyon chez ma belle famille, heureusement qu’ils étaient là. Après je suis parti chez ma grand-mère pour changer d’air pendant l’été, mais c’était dur, car je ne pouvais rien faire à part regarder le Tour de France. Au bout d’un mois et demi, j’ai pu poser les béquilles et j’ai enchaîné à Cap-Breton avec la première session qui intervient deux mois après l’opération. Là ils m’ont aidé à me remuscler le haut du corps et à faire replier le genou. J’ai apprécié, car là-bas, je voyais d’autres sportifs et on pouvait discuter.
Après je rentre à Bourg et le kiné, Zlatan Hadzismajlovic, me prend en charge. Ça commence gentiment avec de la muscu pendant une heure et après c’est plus dur avec des séances de quatre heures tous les matins pour travailler sur mes jambes. D’ailleurs je peux dire merci à Zlatan parce que ça m’a beaucoup aidé.
Par la suite, à quatre mois et demi je suis retourné à Cap-Breton pour reprendre la course et le travail des appuis. Pour ce coup-là, j’étais dans la partie plus professionnelle, car il y a plusieurs secteurs selon les niveaux. C’était strict, un peu l’armée, je n’avais jamais fait ça et ça a été dur. Mais ça m’a soulagé, car je pouvais refaire beaucoup de choses.
J’ai enfin repris les entraînements à six mois. Au tout premier entraînement, grosse frayeur, je glisse sur un appui et j’ai cru que je m’étais recassé le ligament. Au total, ce sont deux mois de reprise où je ne joue pas les matchs, je ne fais que les échauffements et ça commence à revenir. Tu es heureux quand on te donne une date, le 28 février. Mais une semaine après, Covid.
Tu parlais de Zlatan qui t’a beaucoup accompagné pour pouvoir revenir sur un terrain. Est-ce important mentalement d’avoir des personnes qui peuvent te soutenir ?
Je me suis dit en fait que la blessure, c’était prévu et que ça n’arrivait pas comme ça. Donc je me suis dit c’est une année où il faut penser à autre chose que le basket, que je profite de mes copains. Le week-end, j’étais content de ne pas voir de basket et de changer d’air, car ça me faisait mal quand je voyais des matchs. Et pour sortir de ça, Zlatan m’a beaucoup aidé afin que je ne reste pas dans ma bulle et qu’on aille par exemple au restaurant. Il a été parfait sur ça.
"Il faut que je retrouve ma défense"
Si ce n’est le basket, quelles ont été tes principales motivations pour revenir ?
Quand je me suis blessé, je ne me suis pas dit « je reviens en février à coup sûr » parce que c’est trop dangereux. En vrai, on avait tablé sur une saison blanche complète, mais c’est revenu plus vite. L’Équipe de France, je l’avais mise de côté, donc ce n’était pas l’objectif. Même, dans ma tête je ne pensais vraiment plus au basket et le seul truc que j’avais c’était de passer de 92 kg à 84 kg en perdant du poids et en prenant du muscle.
Tu l’as évoqué, tu as donc disputé trois rencontres en championnat Espoir et on a vite vu que tu n’avais rien perdu de ton jeu. Soulagé ?
J’avais trop peur, car je connais beaucoup de personnes qui ne sont jamais revenues à leur niveau. Le premier match, je me disais qu’il ne refléterait pas ce qu’il se passerait après. Quand je commence, je me souviens que j’intercepte une balle et que je me rate sur le double pas en contre-attaque. Je loupais beaucoup de choses et à la mi-temps, je me sentais nul. En fait, quand je suis rentré dans le cinq, j’avais la peur des débuts et sur chaque contact c’était horrible. Mais après j’ai bien terminé le match (NDLR 20 points, 2 rebonds et 3 passes en 28 minutes).

Tu évoques aussi que tu as beaucoup travaillé sur ton physique pendant tout ce temps. Aujourd’hui, si tu devais caractériser ton jeu, quels en seraient les principales qualités et axes d’amélioration ?
Quand je me suis blessé, avec mon agent, on s’est dit que vu que je pouvais plus jouer, il fallait que je sois comme sur un terrain, mais virtuellement. On faisait donc des séances de visio où on imaginait des situations baskets et ça tous les deux-trois jours. C’était pour garder les sensations sans y être et je pense que ça m’a aidé. La blessure m’a aussi calmé sur tout ce qui était rythme de jeu, car j’étais toujours à 100 % sur mes attaques et aujourd’hui, je suis un peu plus posé. Niveau qualité, c’est plutôt le shoot. Après pour le moment, j’ai toujours du mal à retrouver mes qualités défensives et notamment mes appuis. Pourtant j’ai travaillé énormément. Il faut que je retravaille sur ça surtout que quand je rentre quatre ou cinq minutes en pro, il faut que je sois bon sur la défense. Donc il faut que ça revienne vite.
On l’évoquait aussi, la Covid-19 est arrivée. Qu’as-tu fait durant cette période ?
Je suis rentré chez moi directement en voiture pour être avec ma famille et tous les jours c’était course le matin et muscu-basket l’après-midi. On avait fait une salle de musculation avec mon frère et ma sœur parce qu’on se disait que ça allait être long. Du coup je n’ai pas lâché sur le sport.
Le fait que cette année il y ait une Coupe d’Europe à Bourg a-t-il joué dans ta décision de signer ton premier contrat ici ?
Vu que je revenais de blessure, s’il n’y avait pas eu de Coupe d’Europe, je pense même que les autres clubs auraient eu peur de me prendre même si je sais ce que je vaux. Là, il est clair qu’avec cette coupe, il y a pu avoir un groupe de douze joueurs et c’était l’opportunité de rester dans le club où je suis depuis six ans.
"Je travaille beaucoup pour être prêt le jour venu"
Du fait de ton statut, tu devras sûrement donner plus que les autres pour faire ta place. Comment entreprends-tu ce nouveau challenge ?
Il faut que je sois toujours à fond sur les entraînements. Aux premiers, c’était un peu compliqué, mais je commence à être de mieux en mieux. Je travaille beaucoup avant les entraînements pour être prêt.
D’ailleurs, si on choisit le mot « travailleur » pour te caractériser le plus, es-tu d’accord ?
Oui, quand j’ai envie de quelque chose je le fais au maximum. Là, je travaille pour moi afin d’être prêt le jour j. Si c’est dans six mois, je ne me stopperais pas.
Dans ces conditions, quels sont tes objectifs pour cette saison avec l’équipe ?
Je n’aime pas trop donner mes objectifs. Ils restent entre moi, mes parents et mon agent *rires*.
Et à moyen-long terme ?
J’aimerais beaucoup aller en Espagne, un peu mon rêve, mais déjà il faut que je travaille dur pour rester à un bon niveau comme la Jeep® Élite pendant quelques années.
Pour terminer, si tu devais t’inspirer d’un basketteur pour ton parcours futur, lequel serait-il ?

J’aimerais être le même profil d’un joueur qui est plus driveur que moi : Axel Bouteille. Il était bon en France, il a confirmé et maintenant il a cartonné en Espagne (NDLR : formé à Chalon puis de 2017 à 2019 à Limoges puis une grosse saison à Bilbao en Espagne l’an passé avec 17,7 points de moyenne).
Merci à toi et bonne saison !
Propos recueillis par Corentin Maréchal
©Christelle Gouttefarde ©Jacques Cormarèche
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